Relire l’intro ici
Troisième fable : On donne un pognon de dingue aux français.
Cette expression « pognon de dingue », utilisée par E. Macron, a marqué les esprits. Pour OSONS!, association citoyenne, attachée à ce que l’on appelle « bien commun », la remarque qui vient spontanément à l’esprit est toute simple : Il parle de notre argent à tous comme si c’était celui d’un petit groupe d’actionnaires.
Cette réaction, en relation avec la redistribution des richesses, vient de loin. Elle vient du principe de propriété sociale, en gestation dès la fin du XVIIIe siècle. Elle consistera, un siècle plus tard, à mettre à la disposition de tout citoyen un droit d’accès à des biens et à des services collectifs à finalité sociale et financés par l’effort collectif. Même les plus pauvres devenaient « propriétaires » d’un type de ressources particulier, à défaut de patrimoine privé.
Cette propriété sociale est très majoritairement (73%) financée par les cotisations sociales, CSG, T.V.A, auxquelles chacun est soumis. Contrairement à ce qu’on rabâche souvent, au regard de l’impact de l’impact des prélèvements, il n’est pas nécessaire d’être soumis à l’impôt sur le revenu pour avoir une conscience claire de sa propre citoyenneté sociale. Car si ces impôts et taxes reposent sur tous et que leurs pourcentages sont les mêmes pour tous les niveaux de revenu (partiellement pour la CSG), ils n’ont pas le même impact selon les revenus. Le taux d’effort demandé aux plus pauvres est plus de deux fois supérieur à celui demandé aux plus riches.
On en parle si peu, qu’il faut exhumer des données de l’INSÉE de 2001, dont on sait aujourd’hui qu’elles se sont largement aggravées. L’impact amplifié pour les plus pauvres n’est accepté qu’à la condition de la production de services collectifs et de droits dont l’État est le garant.
Ce presque deal n’est pas un cadeau, il est en place depuis le développement de l’industrialisation et la peur des plus riches de voir « l’installation au cœur de la société de ces masses misérables, asociales et menaçantes : classes laborieuses, classes dangereuses risquent de devenir quasi-synonymes »*. Les salarié(e)s travaillent pour eux-mêmes et pour leurs proches qui sont aussi des ayants droit. Par leur contribution aux prélèvements, notamment le salaire indirect (les cotisations salariales), part du salaire finançant la protection sociale, ils apportent une sécurité et une moindre précarité à toute une partie de la population.
* La propriété sociale : émergence, transformations et remise en cause. Par Robert Castel août/sept. 2008 ESPRIT
“On” ne donne rien aux français. Ils le financent par leur travail, leur productivité et l’intelligence collective qu’ils ont développé pour vivre ensemble. Mais l’équilibre est fragile. Ce que la vulgarité des puissants appelle l’effet du « pognon de dingue » ressemble de moins en moins à de la sécurité et de plus en plus à de la précarité. Les racailles, les sans-dents, ceux que l’on ne voit pas dans une gare et dont la cantine sert des repas pour moins de deux cents euros, commencent à faire rimer “laborieuse et dangereuse”.
Selon la Direction de la Recherche des études de l’évaluation et des statistiques (DREES), en 2014, 14,1 % de la population de France métropolitaine, soit 8,8 millions de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté monétaire fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit un revenu disponible du ménage inférieur à 1 008 € par mois et par unité de consommation (UC). La moitié de ces personnes vivent avec moins de 805 € par mois. L’intensité de la pauvreté, c’est-à-dire l’écart relatif entre le niveau de vie médian des personnes pauvres et le seuil de pauvreté, s’élève ainsi à 20,1 % en 2014.
Quatre ans après cet état des lieux, l’apparition des gilets jaunes est-elle le signal que le deal est rompu ? Que l’illusion de sécurité se brise devant une précarité que les puissants veulent pour norme ?
À suivre 👉🏽 Rêves de salauds (4)
À tous les 👉🏽 Rêves de salauds