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Explosion à Beyrouth et questions à Saint-Malo

L’explosion meurtrière qui s’est produite sur le port de Beyrouth au Liban nous a valu de nombreuses questions de la part des adhérents et amis d’OSONS ! ainsi que des journalistes (France Inter et autres…). C’est le moment de faire le point sur ce que nous savons de cette question.

Cette inquiétude est légitime. Le port de Saint-Malo représente 84% du trafic (engrais et produits chimiques) des ports de la région Bretagne, 586 656 T au total et 496 928 T pour Saint-Malo, (ref Bilan 2017 et Chiffres clés 2017/2018 publiés par la Région). La quantité d’ammonitrate débarquée à Saint-Malo en 2017 est de 89 560 T (dont 73.269 T comprenant plus de 27% de nitrate d’ammonium).  Pour rappel, l’explosion au Liban a été provoquée par 3 000 T de produits contenant du Nitrate d’ammonium, à Toulouse, en 2001, c’était 300 T. Dans les deux cas, les produits étaient stockés en vrac. Le simple regard sur les quantités qui transitent sur le port justifie les messages qui nous ont été adressés.

En matière de sécurité, l’actualité mondiale, régionale et malouine nous amène à dire que Saint-Malo, port breton qui reçoit les quantités les plus importantes de produits chimiques de la Région, doit bénéficier des services de professionnels de la manutention. Sur ce plan, la situation des dockers de Saint-Malo et les incertitudes qui pèsent, depuis des années, sur leur statut et leur métier sont indignes sur le plan social comme sur celui de la sécurité de tous les citoyen·ne·s. Qui, compte tenu de l’instabilité des sociétés et des objectifs, répondra, en cas de problème, aux questions de sécurité du port, à la formation du personnel et aux bonnes conditions de manutention ? La région et son opérateur sur le port doivent agir pour un règlement durable de la situation des dockers.

Les citoyen·ne·s exigent que soit mis fin définitivement à la ‘Libanisation’ de cette question.

Le transport, la manutention et l’entreposage des produits contenant du nitrate d’ammonium répondent à des conditions qui ont été plusieurs fois modifiées depuis la catastrophe d’AZF, en 2001. Les différentes autorités nous indiquent que tout est sous contrôle à Saint-Malo, depuis les soutes des bateaux jusqu’à l’expédition. C’est ce que nous espérons. Cependant, nous avions également les mêmes affirmations pour d’autres dossiers. Hélas, la transparence n’est pas au rendez-vous, la confiance ne le sera pas non plus.

L’activité du port est une citadelle dans la ville, c’est l’un des problèmes, et les questions qui se posent (qui ne sont pas limitatives) sont par exemple :

  • La question des installations classées

Le sous-préfet de Saint-Malo déclare selon l’édition du soir d’Ouest-France du 7 août 2020, « Il ne peut y avoir plus de 1000 tonnes simultanément sur l’ensemble des quais, où la marchandise est isolée en îlots de 250 tonnes maximum, tous disposés dans des zones spécifiques, où elle ne peut séjourner plus de 72 heures. »

Le BRGM, établissement public de l’État, publie la base de données des installations classées Française. Elle ne comporte aucune mention sur une installation classée ayant fait l’objet d’une déclaration ou d’une autorisation relative au stockage de nitrate d’ammonium sur le port.  Pourtant, la catégorie ‘ Mélange d’engrais simples solides à base de nitrate d’ammonium’ doit faire l’objet d’une déclaration à partir de 500 Tonnes (Arrêté du 06/07/06 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous la rubrique n° 4702). Quant à la rubrique 4701 des installations classées, elle prévoit une déclaration dès 100 tonnes.

Peut-être existe-t-il une exception pour les ports (???) mais dans ce cas…

  • La question des règles de contrôle :

Comment et sur quelles bases est contrôlé le respect des caractéristiques, de lieux, bâtiments, isolement, rétention, notamment des eaux d’extinction incendie si plusieurs produits chimiques cohabitent…

  • Celle des caractéristiques de chaque produit :

Comment sont respectées les consignes de sécurité propres à chaque produit. Par exemple les indications de sécurité présentes sur la fiche technique des produits de marque PULAN,  présents sur le port en BIG BAG (sac de 600 kg) à certains moments, précisent « Des procédures devraient être en place pour empêcher le vol ou l’accès par des personnes non autorisées. PULAN® doit être stocké sur le sol constitué de matériaux incombustibles et protégé de l’humidité ». Des hangars accessibles, ouverts à tous les vents et aux toitures à l’étanchéité improbable, caractérisent le port de Saint-Malo, sont-ils conformes ?

  • Celle des interactions entre produits et productions sur le port :

Comment et sur quelle base sont évaluées les questions de co-activité et d’inter-action entre les différents produits autorisés sur le port et leur manutention sur ce même lieu ? La fiche technique de l’ammonitrate PULAN précise « Dans un entrepôt contenant du nitrate d’ammonium, il est strictement interdit de fumer, souder, utiliser une flamme nue et stocker des matériaux qui peuvent réagir violemment avec le nitrate d’ammonium, ou sont combustibles, par exemple : agents réducteurs, oxydes métalliques, métaux en poudre, alcalis, acides, matières organiques ( par exemple paille, huile, graisse). Protéger de la lumière directe du soleil et de la chaleur au-dessus de 30 ° C. Ne pas stocker le nitrate d’ammonium avec d’autres fertilisants ».

De nombreux produits chimiques et notamment des engrais ou des combustibles sont stockés en grande quantité sur le port. Par exemple 2400 d’acide acétique, chlorhydrique, formique, etc. et 2250 tonnes de lessive de soude pour Hypred, l’ensemble des produits de la Timac dont 16000 tonnes d’acide phosphorique, 1000 m³ de liquide inflammable pour I.S.B France. Et parfois les non-conformités sont l’objet de procès verbaux(voir ici et ici), sont-elles évaluées par une prise en compte des autres produit.

Saint-Malo n’est pas Beyrouth, Saint-Malo n’est pas Toulouse, mais la transparence est nécessaire, de telles questions ne doivent pas reposer sur une gestion politique de la sous-préfecture aux plus hauts échelons de l’État. Elle doit reposer sur la publication des documents, tableaux de bord et bilans, bref sur l’ouverture de l’information et la capacité de saisine de la population d’une situation anormale ou d’une gestion anormale de cette situation, c’est la véritable modernité de la démocratie.

Aujourd’hui ce n’est pas le cas, ce qui est publié et rendu public semble aléatoire, ou le fait de règles peut-être protectrices, mais pour qui ?

ADDITIF: les différentes remarques ou critiques reçues à l’occasion de la parution de cet article nous laissent penser que certains lecteurs peuvent s’imaginer que la règlementation propre à la sécurité des ports nous sont totalement étrangers. Avant d’écrire nous avons consulté un certain nombre de documents et de site (ISPS, OMI,  http://www.imo.org/fr/About/Pages/Default.aspx ), restent à savoir dans quel périmètre légal et territorial ils s’appliquent, par exemple en termes d’interaction des produits stockés. Il suffit de constater que l’arrêté d’autorisation d’exploiter une installation classée de la Timac ne comporte aucune disposition en relation avec la proximité de l’activité portuaire ou référence à des textes liés à cette sécurité. Cela pose question quant au possible cloisonnement entre entités et règlementions.

Quelques autres documents consultés sur Saint-Malo, d’autres ne sont pas publics :

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