S’il y a un domaine que les Malouin·e·s ne découvrent pas, c’est celui des investissements nécessaires à la gestion des eaux usées et pluviales. Depuis des années, des dizaines de millions (de francs puis d’euros) ont été consacrés à séparer les eaux usées et les eaux pluviales dans le but de permettre un bon fonctionnement des installations de dépollution.
Progressivement, des rues, des quartiers sont l’objet de programmes de travaux destinés à mettre fin au mélange entre eaux usées et eaux pluviales et à améliorer l’étanchéité des réseaux contre les eaux parasites. C’est très bien pour l’environnement, la qualité des eaux de baignade, le fonctionnement de la station d’épuration et possiblement important pour les projets de méthanisation.
Ces efforts ne sont pas gratuits et sont d’abord financés par les abonnés au service assainissement.
Mais il y a une exception, en voici l’histoire
Depuis son installation en zone industrielle, Timac-Agro, comme toute entreprise, doit respecter des normes de rejet des eaux pluviales. En l’occurrence, les obligations de mesure et les critères qui lui sont appliqués ne sont pas nombreux, et, selon notre association, ne sont pas dignes des exigences normalement imposées à ce type d’usine par les règlementations (européenne et française).
En 2006, l’autorisation d’exploitation de l’usine Timac Agro de la zone industrielle prévoyait que les eaux pluviales seraient dirigées vers le ruisseau du Routhouan. Cependant, certaines eaux dont la pollution dépassait celle autorisée pour rejet dans le ruisseau pouvaient être diriger vers la station d’épuration publique, à la condition qu’une convention soit signée avec la collectivité responsable. En 2010, cette solution devait même devenir quasi exceptionnelle. C’est ce qu’explique le rapport de l’inspection des installations classées du 23 novembre 2009, jugeant des propositions de Timac-Agro en vue d’obtenir la première modification des règles de fonctionnement :
« Les avantages associés aux nouveaux aménagements proposés sont :
- Une gestion simplifiée des eaux pluviales sur le site, avec :
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- l’aménagement d’un secteur souillé unique, dont les eaux seront recyclées dans le process du site, assurant la suppression du rejet des flux polluants associés,
- le transfert des eaux des autres secteurs non souillés vers un bassin de régulation/confinement unique, avant traitement et rejet au Routhouan en fonctionnement normal.
- Le respect du produit par ramassage des pertes et recyclage en production ;
- L’absence de rejet chronique d’eaux pluviales vers le réseau d’assainissement (ce rejet n’étant conservé qu’en secours);
- La prise en compte du confinement des eaux d’extinction.
Complétés par des actions comportementales renforcées, ces aménagements permettront de maîtriser la qualité des rejets d’eaux pluviales du site et leur impact. »
Pourtant, en 2022, dix-huit ans après son autorisation d’exploiter, le grand groupe industriel ne réussit toujours pas à s’occuper correctement de ses eaux pluviales. Les rejets de l’usine Timac-Agro de la zone industrielle vers le ruisseau du Routhouan sont trop chargés en azote et en phosphore.
Devant ce constat et sous pression des nouvelles normes de l’agence de bassin, l’État réagit.
Une réaction toujours aussi molle, puisque par un arrêté du 26 octobre 2023, il cède à la promesse de Timac-Agro de réaliser une étude
« Surveillance des rejets d’eaux pluviales – Avant le 30 juin 2024, l’exploitant fait réaliser et remet à l’Inspection des installations classées une étude technico-économique. Cette étude définit les moyens à mettre en œuvre pour réduire la concentration en azote à 15 mg/L et celle en phosphore à 2 mg/L dans les rejets aqueux. Un calendrier de mise en œuvre de ces mesures est intégré à l’étude. » ;
Le 28 octobre 2024 que Timac-Agro prévient les autorités qu’il transfère toutes ses eaux pluviales vers la station d’épuration depuis janvier 2024 et abandonne la réalisation de l’étude technico-économique qu’il avait lui-même proposée et qui lui a permis deux ans de répit…
Timac-Agro n’a pas tenu sa promesse, mais il ne se passe rien. Au contraire, le préfet, par un arrêté du 10 mars 2025, acte, rétrospectivement, que les eaux pluviales de l’usine sont intégralement rejetées vers la station d’épuration de Saint-Malo. Cela signifie que l’eau de pluie qui arrose les 6,15 hectares (1) recevant une surface bâtie de plus de 3 hectares constitués de toitures, de voies, d’aires de stockage, d’aires de déchargement, échappe à la règle de séparation des réseaux. et peu importe que pendant ces quinze ans les programmes de séparation des réseaux, destinés à ne plus envoyer les eaux de pluie vers la station d’épuration, aient été multipliés dans la ville, que des millions d’euros financés par la contribution des usagers aient été dépensés, l’industriel, lui, dispose d’un passe-droit et de plus pour des eaux plus polluées…
Nos investigations ne s’arrêtent pas là.
Nous constatons que l’envoi systématique des eaux pluviales vers la station d’épuration n’a pas fait l’objet d’une modification de la convention entre l’agglomération et l’industriel. La dernière version semble dater du 10 mai 2022 selon le rapport d’activité 2023 du gestionnaire de l’assainissement. Le rapport d’activité 2024 annonce une future convention sans en donner la date.
Nous constatons que le préfet d’Ille-et-Vilaine a pris un arrêté exigeant le 17 octobre 2024. Les micropolluants et notamment les métaux doivent être contrôlés en entrée et en sortie de la station d’épuration publique. La logique serait qu’une même exigence s’exerce envers une installation classée privée puisque même en cas de rejet vers une station d’épuration publique, le préfet reste responsable de la surveillance des micropolluants émis par les industriels.
Nous constatons que le préfet d’Ille-et-Vilaine acte le fait que le ruisseau du Routhouan n’est plus utile aux rejets de l’entreprise, mais modifie leurs conditions d’admission au lieu d’en tirer les conséquences et d’annuler cette autorisation inutile.
Et surtout, nous constatons, une nouvelle fois qu’une modification substantielle de l’usine n’entraîne aucune mesure d’information et de participation du public pourtant prévue par l’article L515-29 du code de l’environnement