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Port de Saint-Malo : Bienvenue sous le parfum des pavillons de complaisance

La crise due au covid 19 révèle, à tous, les dessous de la mondialisation. Et peu importe si aujourd’hui les champions de l’importation font jouer leurs réseaux pour obtenir des masques, c’est bien leur logique d’une production française sacrifiée, de la recherche de main-d’œuvre sous payée et d’atteintes à l’environnement qui nous emmène dans le mur.

À Saint-Malo, depuis le 24 avril 2020, nous avons un autre exemple de la mondialisation à portée des yeux. Il s’agit des deux navires de croisière de la compagnie du Ponant, Le Dumont d’Urville et Le Champlain. Ces bateaux de croisière de luxe appartiennent à la compagnie elle-même détenue par le groupe ARTEMIS, société d’investissement de la famille Pinault.  Artémis, fondée en 1992 par François Pinault, est l’actionnaire de contrôle du groupe de luxe Kering. Artémis possède également Christie’s, la première maison de vente aux enchères au monde, des vignobles prestigieux (Château Latour, Premier Grand Cru Classé …) la compagnie de croisières de luxe Ponant et +++++.

Bref, que du beau, que du chic et que du cher…

Mais, ombre au tableau, cette petite mention inscrite sous le nom des bateaux, « MATA HUTU », que nous avons remarqué et qui semble être passée inaperçue aux yeux de la presse locale.

Car si ces bateaux de luxe, pour une clientèle de luxe d’une compagnie de luxe, portent sur leur coque le nom de ce port des îles Wallis-et-Futuna, ce n’est pas un hasard. Le territoire français de Wallis-et-Futuna fait partie, au même titre que d’autres (Panama, Le Libéria, Malte…), d’une liste d’une trentaine de pavillons de complaisance établie par lTF (International Transport Forum) en 2013.

La consultation du site des services de l’État et du Territoire de Wallis et Futuna et la lecture d’un article de Delphine Bauer publié en juillet 2017 sur l’observatoire des multinationales nous permettent de disposer de quelques éléments importants.

Les armateurs français ont trois options pour enregistrer leurs bateaux. Le registre national, dans ce cas les dispositions du droit et de la fiscalité française s’appliquent. Le second registre ou bis, qui organise une discrimination sociale entre marins européens et français. Le troisième, les pavillons de complaisance aux règles moins que minimum.

En fait, l’immatriculation des bateaux à Wallis-et-Futuna permet de s’affranchir de la convention collective de la profession établie sur la base du droit du travail français. La nationalité des marins et leur salaire sont régis par un droit spécifique et des seuils de rémunération particuliers. Par exemple, le SMIC de Wallis-et-Futuna était de l’ordre de 750 € en 2016 et le droit du travail est régi par les dispositions de Code du Travail dans les Territoires d’Outre-Mer instituées par la loi 52-1322 du 15 décembre 1952. Même si Wallis-et-Futuna est un territoire français, seuls 25% de marins français sont imposés par équipage. Les temps d’embarquement, les jours de repos ou les conditions de travail sont sans véritable contrôle et, cela se remarque en tant de pandémie, il n’y a pas d’inscription obligatoire à la Sécurité sociale des marins l’E.N.I.M. (Établissement National des Invalides de la marine) …

Mais les autorités de Wallis-et-Futuna et de l’État Français vont plus loin qu’une législation sociale indigente, si elles exigent depuis 1960 que le propriétaire du navire ait son siège, une agence ou un représentant dans le port d’immatriculation (Mata-Utu), le territoire est un paradis fiscal, légal. En effet, Wallis-et-Futuna bénéficie d’un régime fiscal particulier dont la caractéristique principale est l’absence d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu des valeurs mobilières, d’impôt sur la fortune et de T.V.A. Le régime fiscal dont l’assiette et le taux relèvent de la seule compétence de l’Assemblée Territoriale, est essentiellement basé sur une fiscalité indirecte. Par ailleurs, les Wallisiens et les Futuniens ne sont assujettis ni à la Contribution Sociale Généralisée (CSG), ni à la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS).

Du fait de cette spécificité, plusieurs sociétés extérieures et armateurs ont fait le choix de s’immatriculer à Wallis-et-Futuna.

Alors, oui, deux de ces bateaux de croisière, pour les plus riches d’entre-nous, qui ne fonctionnent que parce qu’une partie des moins riches d’entre nous s’usent  jusqu’à ce qu’on les jette et sans garanties pour l’avenir, sont à Saint-Malo. Nous avons retrouvé les actes d’immatriculation par les autorités de Wallis-et-Futuna.

Trafic en mer un jour d’Avril 2020

Cerise sur le bateau, ces navires, dont la présence à Saint-Malo reste étonnante, arrivent tout droit  des Antilles et devraient gratifier les résidents d’Intra-Muros des fumées de leurs machines en continuel fonctionnement pendant plusieurs mois. En effet, le propriétaire français de ces bateaux construits en Norvège (vive la construction navale française) est exempté de l’obligation de faire réaliser une escale une fois par semestre au port de MATA-UTU (Décision du 25 mai 2018, Ministère chargé des transports et du Ministère des Outre-Mer).

Dès la fin du confinement nous appelons les Malouins à profiter de ce qui est aujourd’hui réservé aux habitants d’Intra, la vision de la mondialisation du luxe sur le dos des plus modestes. Ils auront également sous les yeux l’objet du contournement de l’impôt par l’une des familles les plus riches de France, qui donne 100 millions pour Notre-Dame de Paris et profite des largesses fiscales des gouvernements successifs au nom de la concurrence mondiale.

 

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